Arturo Villanueva Arteaga [Biba Ardoak] Des vins écologiques, biodynamiques et naturels du Pays basque
Arturo Villanueva Arteaga, ancien patron du bar restaurant Maitenia à Ciboure se lance dans un nouveau projet ambitieux : Promouvoir le vin bio Basque dans tout le Pays Basque.
Arturo peux-tu nous présenter la coopérative Biba Ardoak, quelle est la genèse du projet?
Ça fait un an que l’on travaille sur ce projet avec le vigneron engagé navarrais Edorta Lezaun. Notre constat était le suivant : la plupart de nos vignerons bio sont trop petits pour commercialiser leur production directement au Pays Basque et jusqu’à présent personne n’a vraiment entrepris de sensibiliser la population locale sur leur travail et leurs vins.
Pour survivre, ces vignerons ont dû, il y a quelques années, faire le pari de l’exportation et ça a très bien fonctionné. C’était une situation confortable, mais aussi très frustrante, car tous leurs efforts n’étaient pas reconnus localement, sans parler de l’incohérence d’exporter leur vin à l’autre bout du monde (Chine, États-Unis, Allemagne, Angleterre…)
Grâce à l’expérience que j’ai eue dans mon bar restaurant, je sais que généralement lorsqu’on fait découvrir et goûter ces vins, on a de super retours… Alors je me suis dis pourquoi ne pas faire cela dans tout le Pays Basque, pas seulement chez nous à Ciboure et sur la côte nord. Je suis totalement passionné par le boulot incroyable de ces vignerons, ça me tient à cœur, ils méritent vraiment d’être reconnus localement pour le travail fabuleux qu’ils effectuent depuis des années.
![Arturo Villanueva Arteaga [Biba_Ardoak] Arturo Villanueva Arteaga [Biba_Ardoak]](https://letourdemain.com/wp-content/uploads/2019/10/arturo-548x1024.jpg)
C’est ainsi qu’est né la coopérative Biba Ardoak avec deux missions : d’abord informer et sensibiliser la population locale sur le travail des vignerons bio du Pays Basque et d’autre part, promouvoir et distribuer leur vin sur notre territoire. La coopérative regroupe aujourd’hui 13 vignerons et vigneronnes sur des exploitations à taille humaine et qui oeuvrent pour une culture du vin plus populaire, plus juste, plus saine.
Car le vin a une image élitiste. Il y a des peurs infondées, on a parfois tendance à trop intellectualiser tout ça. Le vin c’est d’abord quelque chose de très populaire, ça a toujours été le cas. Ouvrir la bouteille, passer un bon moment, apprécier, sentir c’est à la portée de tout le monde. Et après on peut bien sûr apprendre à mieux connaître et apprécier toutes les subtilités du boulot de nos vignerons à la vigne et au chai.
Quelles sont les conditions pour intégrer la coopérative? Quel secteur géographique couvrez-vous?
On propose des vins de toutes les appellations existantes au Pays Basque : Rioja Alavesa, de Rioja, Irouléguy, de Navarre, de Txakoli de Biscaye, de Txakoli de Getaria et certains également en dehors des AOC. Les conditions pour intégrer notre coopérative sont les suivantes : il faut être vigneron ou vigneronne, travailler à la vigne sur des domaines à taille humaine, faire le vin au chai de manière artisanale en contrôlant la traçabilité et la qualité… Et enfin, être certifié bio au minimum, sachant que la plupart travaillent déjà en biodynamie.
Un gros avantage de la coopérative est de créer des interactions entre coopérateurs. Ils mutualisent des moyens de production, ils montent des projets communs, se font des retours d’expériences sur les procédés qui fonctionnent pour faire du vin de qualité.
Biodynamique, biologique, naturel, sans sulfite … on s’y perd un peu parfois, peux tu nous éclaircir les idées?
Nous avons beaucoup réfléchi sur la manière d’aborder ce sujet un peu technique et nouveau pour la plupart. Biba Ardoak : c’est le Vin vivant des vignerons Basques. En France où il y a un début de sensibilisation en la matière, on peut traduire notre activité par vin Vivant ou vin Libre. Mais le plus important dans un premier temps c’est de noter l’importance de la figure des vigneron.nes qui travaillent à la vigne et au chai, prendre conscience de cette démarche paysanne, artisanale et engagée.
Et après on peut expliquer la différence entre biologique, biodynamique et naturel. La bio c’est facile : il n’y a pas d’intrants chimiques, pesticides, herbicides etc… il y a une certification qui s’étend aujourd’hui à tous les pays européens. Cette charte sert de socle lorsqu’on souhaite s’engager dans une production plus respectueuse de l’homme et de la nature. Certains affirment qu’elle est sans doute issue d’un consensus « a minima », mais elle a le mérite d’exister.

Pour ceux qui s’impliquent dans une agriculture paysanne dans une démarche agroécologique et qui cherchent à être plus cohérents avec leur boulot, il s’oriente vers la biodynamie. L’agriculture biodynamique est une façon de travailler traditionnelle basée sur des connaissances populaires ancestrales qu’on a développées pendant des centaines d’années. L’idée est d’intégrer complètement la vigne à son environnement et non plus de l’en isoler, afin de trouver un bon équilibre naturel. Ne pas intervenir mécaniquement sur le sol (le déstructurer), respecter les équilibres et le vivant. Pour aider le bon développement des cultures, dynamiser la vigne, il est possible d’effectuer des préparations à base d’éléments présents sur l’exploitation (issue de matières minérales et/ou organiques) afin de soigner les plantes et d’enrichir le sol de façon naturelle. On étudie aussi par exemple le calendrier lunaire pour déterminer les meilleurs jours pour effectuer certaines tâches comme la taille ou les vendanges…
Dans les vignes, il est donc possible de cultiver des raisins selon les méthodes biologique et biodynamique. Mais une fois dans le chai, en intervenant le moins possible sur le moût de raisin (on n’enlève rien et l’on n’ajoute rien, même des sulfites) on peut produire du vin naturel. Pour une plus grande cohérence dans leur démarche, les vignerons qui produisent du vin naturel cultivent généralement leurs terres en biodynamie.
Et au niveau des certifications, pour la bio c’est clair, mais pour la biodynamie, le vin naturel ça parait un peu flou non?
La seule certification que nous demandons à nos vignerons c’est l’AB (Agriculture Biologique). Pour la biodynamie, il existe des agences privées qui certifient (notamment Demeter et Biodyvin). Mais effectivement les certifications en biodynamie c’est un peu plus discutable, car par exemple ils demandent les factures des produits biodynamiques achetés, mais après personne n’est là pour vérifier s’ils sont bien utilisés… C’est assez difficile. Pour le vin naturel, c’est encore plus compliqué parce qu’il n’y a pas un d’accord sur la définition entre les producteurs de vin naturel. Certains se battent actuellement pour créer la certification vin naturel. D’autres sont contre et affirment que ça pourrait ouvrir la porte aux grands domaines industriels qui s’engageraient sur cette voie, non pas par éthique, mais pour faire de l’argent.
![Arturo Villanueva Arteaga [Biba_Ardoak] Arturo Villanueva Arteaga [Biba_Ardoak]](https://letourdemain.com/wp-content/uploads/2019/10/BibaArdoak.jpg)
À la coopérative Biba Ardoak, on fait donc le choix de communiquer sur des engagements simples, mais forts : être vigneron, travailler à la vigne et au chai de façon artisanale sur une exploitation à taille humaine et d’être certifié bio. Nos réflexions et nos pratiques s’orientent naturellement vers la biodynamie. On fait du vin Basque pour le vendre essentiellement au Pays Basque de façon coopérative et pour la souveraineté alimentaire.
Quels sont les freins au changement pour les exploitations conventionnelles ?
Je pense tout d’abord qu’il y a un manque d’information et de sensibilisation. Mais il y a aussi parfois un manque de modèles inspirants et rassurants. On peut voir clairement que ces modèles, lorsqu’ils apparaissent, ouvrent la voie à d’autres. Dans le Pays Basque Nord par exemple, en Basse Navarre sous l’appellation Irouleguy, il y a pas mal de structures militantes depuis les années 80, des associations de petits producteurs, des syndicats comme ELB… Et dans ce terreau fertile, il y a des vignerons comme Michel Riouspeyrous du domaine Arretxea et Peio Espil du domaine Ilarria, qui ont initié dans les années 90 un mouvement vers les principes de l’agriculture biologique puis l’agriculture biodynamique. Peio Espil s’est notamment inspiré des travaux de Fukuoka (père de la permaculture, de la biodynamie au Japon). À la suite de cela, il a réussi à produire d’excellents vins, vendus sur les plus grandes tables étoilées de France et du Pays Basque. C’est des exemples comme cela qui permettent d’ouvrir des voies et entraînent le changement des consciences. Aujourd’hui 40 % de la surface des vignes en Irouleguy sont bio, c’est incroyable quand on sait que l’agriculture biologique en France représente moins de 10% des surfaces cultivées et que les exploitations conventionnelles de l’industrie du vin consomment 20% des pesticides sur moins de 4% de la surface agricole française…
Où peut-on trouver les vins distribués par la coopérative Biba Ardoak?
On commence tout juste à distribuer le vin. On peut le retrouver dans quelques restaurants et quelques bars entre Donostia et la côte basque nord (et toujours au Maitenia à Ciboure). Dans plus en plus d’épiceries participatives de la région : à Urrugne – Larrunkoop, à Hendaye – Hendaiakoop et je l’espère bientôt un peu partout au Pays Basque.