Rafael Bueno (Apiculteur Bio) Slow travel entre apiculture biologique et psychologie clinique
Qui es tu Rafael Bueno ?
De passage entre cultures et territoires depuis presque deux décennies, j’ai grandi dans la belle ville universitaire de Salamanca. Mon enfance a été rythmée par les allées et venues d’étudiants de provenance diverses dans le foyer familial. C’est ainsi que dès mon plus jeune âge, j’ai découvert qu’il était possible de tremper des biscuits dans du thé, ou de boire du jus de tomate, quand dans la culture locale, seuls les binômes café-biscuits et jus de fruits (plutôt que de légumes) étaient concevables. C’est de là qu’a germé mon intérêt pour les autres coutumes et cultures. Devenu à mon tour étudiant, Salamanca a donné un dernier coup de pouce à ma curiosité, m’incluant dans l’orchestre symphonique des langues étrangères du campus et des quartiers étudiants.
De là mon goût pour le voyage en mode “slow travel” : me déplacer le plus simplement et librement possible avec comme objectif partager des repas, rencontrer des personnages, découvrir des coutumes, la situation sociale d’un lieu et bien évidemment sa langue.

Pourquoi, avec tes compétences/connaissances en Psychologie humaine es-tu devenu (aussi) Apiculteur Bio?
C’est cette curiosité de nouvelles cultures et territoires qui a conditionné, d’une certaine façon, le choix de ma réorientation professionnelle. En rencontrant ma compagne actuelle, je me suis volontairement expatrié de ma langue et de ma culture. L’accès à ma profession de psychologue devenait dès lors compliqué, puisqu’elle dépend des mots et de leurs sens. D’où le choix de faire une pause sur le chemin et de diversifier mes compétences.
Lors de mon parcours académique, j’ai eu l’occasion d’étudier l’éthologie, une branche de la biologie qui étudie le comportement des animaux dans leur environnement naturel. C’est à ce moment-là que m’est apparu le monde fascinant des abeilles; son entité comme membre d’une communauté complexe, son organisation sociale, sa répartition du travail, ses systèmes élaborés de communication et de décision à travers les danses et les odeurs, ses rythmes biologiques en lien avec le soleil, et bien sûr son importance capitale pour l’environnement.
De notre point de vue d’humain, l’abeille est membre d’une communauté, elle fait partie d’un tout, où sans une étroite collaboration, elle ne pourrait survivre. Elle fait partie de l’organisme ruche, ce qui implique des manières de communiquer, de se développer à travers les diverses fonctions élémentaires nécessaires à leur vie collective. Une vie sociale harmonieuse basée sur l’entraide et la solidarité, rythmée par le cycle des saisons. Pour moi, ça représente un idéal vers lequel nos sociétés devraient s’acheminer par les temps qui courent.

Du miel Bio? Quel intérêt? Quelles contraintes/avantages pour toi?
Le choix du bio remonte bien avant ma formation en apiculture biologique au lycée agricole de Saint Pée sur Nivelle il y a quelques années. J’avais en effet déjà conscience de l’importance du bio par mes expériences précédentes : entre jardins partagés, coopératives de consommateurs et implication dans des projets environnementaux. Je suis depuis longtemps sensible à l’importance de faire un travail respectueux de l’environnement (des abeilles) et des consommateurs.
Le concept de miel comme produit naturel pourrait être un oxymore, tant la réalité peut être différente. À cela de nombreuses raisons : la perte de la quantité et diversité florale face à une agriculture toujours plus intensive, l’excès de pesticides, la pollution de l’air, la brume électromagnétique actuelle, la réduction de la diversité génétique des abeilles par la logique constante de sélection de reines et son commerce mondial. Bien que les pratiques apicoles soient évoquées de manière marginale comme responsables, nous avons aussi une belle marge de progression vers des pratiques plus respectueuses de la nature de l’abeille.

En effet, le stress des abeilles qui ne cessent d’être transportées d’un champ de monoculture à un autre, les blessures lorsque le pollen frais leur est retiré des pattes, les traitements avec des molécules qui migrent dans le miel (que nous ingérons par la suite), les importantes carences nutritionnelles induites par l’élaboration des miels de “cru” et les services de pollinisations des champs qui brillent par l’absence de diversité florale, si importante pour la santé des abeilles.
Il faut aussi avoir conscience de la contrepartie liée à l’obtention du label Bio : une certaine pression productiviste induite par la nécessité de devoir financer ce label, très peu adapté aux petites productions artisanales-. Ce label soulève pour moi de nombreuses questions. Dois-je entrer dans cette logique de production ou simplement conserver un lien de confiance avec mes clients. Jouer la transparence et être pédagogue plutôt que me reposer sur une institution qui fait office de médiateur entre les deux parties (en y tirant un bénéfice important) augmentant ainsi les prix du produit et le rendant moins accessible.
Comment souhaiterais-tu développer/faire évoluer cette activité?
Depuis le début, je suis intéressé par l’idée de réaliser des projets de classes vertes et d’intégration sociale autour des abeilles. Les bénéficiaires seraient principalement les usagers issus du monde de la santé mentale et les populations locales à risque d’exclusion et de marginalisation. Maintenant que je commence à être à l’aise avec la gestion du rucher et que j’ai stabilisé sa croissance, je commence sérieusement à penser à la manière de mettre en œuvre ces idées et à les relier à ma profession de psychologue clinicien.
Où peut-on trouver ton Miel?
Jusqu’à présent, je commercialisais dans un cercle proche de famille et d’amis la modeste quantité de miel que je produisais ( j’ai à peine produit 100kg la première année!) Maintenant que mes récoltes sont un peu plus généreuses (sans sortir de la logique du petit producteur que je suis), je cherche à distribuer mon miel dans des établissements ayant une ligne de travail éthique, biologique ou de souveraineté alimentaire qui soient en accord avec ma manière de travailler et d’envisager l’économie. Entres autres (et pour le moment), il y a la boulangerie Bio Eskuz et l’épicerie coopératif Hendaiakoop, toutes deux à Hendaye.
